Pourquoi l’État devient le premier actionnaire d’Eutelsat
Le 20 juin 2025, l’État français a annoncé son intention de devenir le premier actionnaire d’Eutelsat, l’un des fleurons européens du secteur spatial et des télécommunications (Source). Ce virage stratégique, qui verra l’État porter sa participation à 29,99% grâce à une augmentation de capital de 1,35 milliard d’euros, illustre la volonté du gouvernement de soutenir la filière nationale du spatial face aux géants étrangers comme Starlink, tout en consolidant la souveraineté numérique de la France et de l’Europe (Source).
Eutelsat occupe une place centrale dans les infrastructures stratégiques, garantissant l’accès aux satellites pour la défense, la sécurité, la connectivité des territoires et l’économie numérique (Source). Le contexte international tendu et la rivalité avec les ambitions américaines ont convaincu l’État qu’un actionnariat fort est indispensable pour orienter la stratégie industrielle et soutenir les investissements nécessaires à la transition vers l’internet par satellites de nouvelle génération (OneWeb).
Cette prise de contrôle partielle par l’État s’inscrit donc dans une dynamique de placements financiers de long terme, destinés à sécuriser l’autonomie stratégique du pays et à accompagner ses ambitions technologiques. L’opération bouleverse la gouvernance du groupe et marque un tournant pour tous les investisseurs particuliers, notamment ceux qui détiennent l’action via un PEA ou un CTO.
Bourse : impact immédiat sur le cours, la liquidité et le flottant
L’annonce du renforcement de l’État au capital d’Eutelsat a soulevé une onde de choc sur les marchés financiers. Dès les premières heures suivant la publication officielle, le titre Eutelsat (ETL.PA) s’est envolé de près de 15%, atteignant 2,84€ sur Euronext Paris (source). Cette réaction témoigne à la fois de l’attrait spéculatif de la nouvelle et de la perception d’une plus grande stabilité visant à rassurer les actionnaires institutionnels comme particuliers.
Sur le plan de la liquidité, la situation est plus nuancée. L’État détiendra au lendemain de l’opération 29,99% du capital, modifiant en profondeur la structure de l’actionnariat, tandis que le flottant chute à 37,95% (source flottant). Un flottant plus faible peut réduire l’attrait de l’action pour certains gérants d’investissements en bourse et limiter l’effet de liquidité sur les carnets d’ordres, mais augmente aussi la sécurité d’un titre soutenu par des actionnaires solides et de long terme.
Les investisseurs particuliers doivent donc surveiller l’évolution de la volatilité et la manière dont un actionnaire étatique dominant influence à la fois les volumes quotidiens et la capacité à sortir ou renforcer une position. Cette mutation du flottant et de la gouvernance rejoint, dans l’actualité, d’autres débats sur la structure des marchés parisiens qu’on retrouve aussi lors des émissions d’obligations convertibles ou les rotations d’indices.
Dividendes et perspectives pour l’actionnaire individuel
La politique de dividende d’Eutelsat a longtemps été parmi les plus attractives du secteur : entre 2013 et 2022, le groupe versait chaque année entre 0,84€ et 0,93€ par action, soit des rendements régulièrement supérieurs à 4% (source). Cependant, le virage industriel opéré en 2024-2025 a bouleversé ce schéma : en prévision de l’immense investissement dans les nouvelles constellations de satellites, le dividende a été suspendu pour l’exercice 2024 et confirmé à zéro pour 2025 (source).
Ce gel temporaire doit être mis en perspective avec d’autres sociétés à fort actionnariat public, comme EDF, Orange ou Aéroports de Paris (ADP). Traditionnellement, l’État demande à ses participations de verser des dividendes réguliers, mais la priorité donnée à la recapitalisation et à l’investissement peut passer par des phases de suspension, comme on l’a constaté lors des crises et grands virages stratégiques (analyse Sénat).
Pour les investisseurs en PEA ou CTO, cette étape nécessite d’arbitrer entre l’attente d’un retour du dividende à long terme et les opportunités de croissance intrinsèques du secteur spatial européen. Pour approfondir la question dividendes/actionnariat, retrouvez aussi notre analyse sur dividendes vs rachats d’actions.
Investir dans l’État actionnaire : historique, avantages, pièges à éviter
La France a une longue tradition d’investir en bourse au travers d’entreprises à forte présence étatique. Des groupes comme EDF, Orange, Aéroports de Paris (ADP) ou encore Engie figurent en tête de liste des participations publiques (source APE).
Les avantages d’un investissement dans « l’État actionnaire » résident dans : la stabilité de long terme, la capacité à traverser les crises, le versement historique de dividendes souvent réguliers (3,9 milliards d’euros perçus par l’État en 2015, selon le Sénat), et parfois, dans l’accès privilégié à des secteurs jugés stratégiques pour la nation. Cependant, ces titres sont souvent sujets à des logiques politiques – gel ou baisse impromptue du dividende, mesures de recapitalisation (comme vu chez EDF), et risque de gouvernance diluée.
Les pièges pour l’épargnant résident donc dans la moindre flexibilité, une faible croissance de cours comparé à des sociétés privées plus concurrentielles, et la dépendance aux stratégies industrielles dictées par l’État, plutôt que la seule optimisation boursière. L’investisseur débutant doit également être attentif à la faible liquidité de certains titres, point déjà soulevé pour Eutelsat, ou à la déconnexion du rendement par rapport à l’évolution du marché (analyse EDF).
Ce contexte invite à privilégier la diversification dans les investissements en bourse et à se former sur comment investir en bourse sur plusieurs classes d’actifs.
Conclusion: Faut-il suivre l’État sur Eutelsat ou rester à l’écart?
Pour l’investisseur particulier, l’entrée massive de l’État au capital d’Eutelsat redéfinit le jeu. D’un côté, l’action bénéficie d’un soutien puissant et d’un projet industriel d’ampleur européenne – gages de stabilité à long terme. De l’autre, la suspension du dividende et le flottant réduit placent la valeur dans une phase d’attente, où performance et liquidité peuvent s’éroder avant le plein aboutissement des investissements spatiaux.
Allouer une part raisonnable d’un portefeuille PEA ou CTO à une valeur comme Eutelsat revient à parier sur l’avènement d’une souveraineté technologique européenne, mais exige d’accepter une rémunération immédiate faible et une visibilité qui dépendra largement d’orientations décidées en conseil d’administration. Il s’agit donc d’un choix de placements financiers de long terme, à réserver aux profils patients et déjà diversifiés, tandis que ceux qui cherchent rendement ou croissance rapide trouveront peut-être plus d’opportunités du côté des valeurs dynamiques du CAC40 ou des ETF à gestion active.
En définitive, suivre l’État n’est pas forcément une erreur – mais ce n’est pas toujours l’assurance d’un investir en bourse débutant serein. L’équilibre: diversification et discernement.